Lire un roman… et augmenter la rétention de 40%
En me lançant dans la lecture du roman L’autre homme de ma vie, de Stephen McCauley, je ne pensais pas y puiser des réflexions RH sur la rétention de la main-d’oeuvre, ni même des trucs. Et pourtant! Voici l’extrait:
«Il était facile d’embaucher, mais le problème était de garder au-delà de quelques mois les moins de vingt-cinq ans, ceux qui connaissaient les toutes dernières avancées et avaient les idées les plus novatrices. Ils formaient un groupe particulièrement volage, à qui leurs parents, de la même génération que moi, avaient inculqué la notion que toutes leurs envies étaient justifiées. Choyés depuis leur naissance, élevés dans l’idée que leurs avis méritaient sérieuse considération, ils traitaient le concept de hiérarchie avec désinvolture, et il était donc difficile de les sanctionner, de les rétrograder ou de les coopter. On avait bien tenté au début de les garder dans la société suffisamment longtemps pour mettre en pratique leurs idées et leurs connaissances de pointe en augmentant leur salaire. Le plus souvent en vain.
C’est moi qui avais eu l’idée de demander à Brandon Miller de m’aider à résoudre le problème. Il avait été, jusque-là, un employé affable, sans distinction particulière, surtout connu pour sa capacité à s’entendre avec tout le monde, à quelque poste que ce soit.
Il m’avait aidé à comprendre, comme jamais auparavant, que ses pairs avaient tendance à partir avant tout pour des raisons purement anecdotiques. Leur nouvel employeur ne leur avait pas nécessairement offert un meilleur salaire, il était simplement installé à côté d’un de leurs cafés favoris. Ils avaient envie d’étudier l’animation numérique à Tokyo pendant six semaines, et il était plus facile de démissionner que d’essayer d’obtenir un congé sans solde. Ou encore, ils estimaient que le recyclage du papier n’était pas au point et que l’éclairage des toilettes était déprimant. Leur offrir des augmentations de salaire ne faisait que renforcer leur sentiment d’être confinés et, curieusement, dévalorisés en tant qu’êtres humains.
Avec l’aide de Brandon, j’avais modifié l’ambiance de la société de sorte à donner au lieu de travail l’allure d’un sympathique campus. Il y avait des vélos, que les employés pouvaient emprunter gratuitement pendant quarante-huit heures. Deux fois par mois, un petit concours était organisé pour gagner un iPod ou un MacBook, en dépit du fait que tout le monde en possédait déjà au moins un. Brandon avait réussi à décrocher des rabais dans certains restaurants et boutiques de vêtements d’occasion funky du quartier. On avait installé sur le toit un potager bio qui donnait des herbes, de la salade et des tomates entre la fin juin et le début de l’automne.
Fruit de notre collaboration, le taux de rétention des employés avait augmenté de quarante pour cent…»