La créativité, en faire plus avec moins?
Au travail, on nous demande souvent d’être créatifs, ce qui signifie parfois en faire plus… avec moins! On entend aussi que c’est en temps de disette que les meilleures idées surgissent! J’ai une question pour vous: à quel moment avez-vous vos meilleurs «flashs»?
J’ai posé cette question à des participants lors d’une conférence. Les réponses? Dans la douche; pendant mon sommeil; en forêt; au chalet; dans ma voiture… Curieusement, personne n’a répondu «au travail»!! Pourtant, n’est-ce pas le lieu par excellence où l’on devrait avoir des idées?
«La créativité, ça ne s’ouvre pas comme un robinet, il faut l’humeur adéquate!» Ce bon mot de Bill Watterson, créateur de la bande dessinée Calvin et Hobbes, résume bien ma pensée. Les organisations, si elles veulent développer l’esprit d’innovation, doivent aussi créer les conditions pour que fleurisse cette créativité. Scott Adams, l’inventeur du personnage Dilbert, rappelle avec humour: «L’entreprise ne peut pas faire grand-chose pour stimuler le bonheur et la créativité mais elle peut faire beaucoup pour la tuer!»
Il importe d’avoir du temps pour s’inspirer, pour faire des liens, pour «triper»… Léonard de Vinci disait que «c’est au moment où ils travaillent le moins que les esprits élevés en font le plus»… Pas évident que cette citation charmerait la haute direction! Ce temps de ressourcement est de plus en plus amputé dans nos organisations, au profit d’une productivité à tous crins, qui nous laisse bientôt vides de toute substance créative, engloutis dans une machine de production, essoufflés… De notre côté, on doit renouer avec notre folie première, celle qui anime les enfants et les fait transformer une boîte de carton en mille objets nouveaux…
Un esprit créatif produit des idées originales et rares, surtout parce qu’il en produit beaucoup. Dans une séance de remue-méninges, 78% des meilleures idées surgissent en deuxième partie. La comédienne et auteure Francine Ruel confie qu’elle pousse ses idées jusqu’à la démence pour ensuite en retirer l’extravagance, ce qui aboutit généralement à des concepts plus texturés et profonds. Pour ma part, j’aime bien le Thesaurus, ce dictionnaire analogique qui précipite les liens entre des concepts.
L’autre frein à la créativité, à mon avis, est qu’il nous est parfois difficile de prendre une idée pour ce qu’elle est: une piste à suivre, à explorer, à enrichir avec celles des autres. Les critiques deviennent alors un moule à idées, qui sculpte nos idées jusqu’à leur forme finale. Plus facile à dire qu’à faire, pensez-vous! Même si chaque séance de «brainstorming» digne de ce nom débute par le sempiternel: «il ne faut pas juger les idées des autres, on ne doit pas se censurer»; il règne quelquefois un petit malaise.
S’il est humain de craindre les réactions des autres ou de se braquer sur une nouvelle idée, on doit pourtant réussir à ouvrir notre esprit à ceux qui ne pensent pas comme nous, histoire d’enrichir notre point de vue. J’essaie à tous les jours: exigeant mais combien plus enrichissant! Ouvrons grandes les vannes de la créativité!